Bauhaus, les Cure et Pascal Obispo
Sarg 20/06 à 12:08
Repondre a ce message...

Voici mon billet d'humeur du précédent numéro de l'excellent magazine Twice (www.twicezine.net).

BAUHAUS, LES CURE ET PASCAL OBISPO

Ndlr : papier à lire en écoutant "Lead me home" de Jamie Commons et "Nomenklatura" de No One Is Innocent.

Bon.
Je sais ce que vous vous dites : comment peut-on avoir ces trois noms dans la même phrase ?
Par quelle faille spatio-temporelle nos "grands-parents" musicaux peuvent-ils se retrouver associés à l'auteur de la comédie musicale sur Moïse, avec en particulier cette merveilleuse chanson punko-indus/cold qu'est "L'Envie d'aimer" (oui, tu as le droit de vomir) ?

Samedi soir, sortie de scène, dans la piaule d'hôtel, il est une heure du matin. Encore dans le jus du concert, le t-shirt collé au gras du bide, j'allume nonchalamment la télé avec l'idée de m'avachir devant "on n'est pas couchés" en attendant que le speed du concert retombe pour aller me coucher. En caleçon, une clope à la fenêtre, j'écoute d'une oreille distraite quand j'entends:

- J'ai commencé en travaillant avec des gens comme Marquis de Sade ou Ange. Mes influences, à cette époque-là, étaient plutôt dans le néo-punk, j'écoutais des gens comme Bauhaus, Joy Division ou les Cure...

Non !? Un copain chez Ruquier !? Je tourne la tête et là...
Tuuuuuuuuuuuuuuuuuut.

Pascal Obispo.

Error System.

Mais qu'est-ce qui s'est passé, Pascal !? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé !?
Comment quelqu'un qui écoute "She's in the party" ou "Why can't I be you" peut nous imposer "Lucy" ou (vite, la poubelle!) "Ma liberté de penser" ? A quel moment on passe de "twenty four hours" à "tu es mon milééééééééééééééééééésim'!!!!!" (tiens, les haricots de ce midi!) ? Quelle drogue frelatée, quelle bière sans alcool, quel kebab trop gras, peut vous faire basculer de Peter Murphy à Polnaref !?

Assis sur le lit, en état de choc j'écoute la suite de l'interview: avec (reconnaissons-le) une honnête rare, le social-traitre avoue très vite que, pour l'obtention des trois P (Pognon, Pute, Porsche), la variète semblait tout de même plus efficace que la Batcave.

Bon, tachons de réagir en journaliste, menons l'enquête. N'écoutant que mon courage, je youtubise le Renégat pour chercher, tout de même, s'il ne subsiste pas un peu de "Happy House" dans sa... musique (?) et tombe sur le clip d'une chanson intitulée "Fan". Tiens donc... Là, le Iago se grime en ses idoles, au rang desquelles on compte Queen, Kiss, Rammstein, Bowie ou Angus Young. Merde...

A vrai dire, on en revient toujours à ça lorsqu'on est "créatif", quelle que soit la discipline. Pourquoi faisons-nous ça? Pour la beauté de l'Art, ou pour les honneurs et la gloire? Les deux, mon capitaine? Il est malheureusement très rare de pouvoir concilier industrie et liberté créative et tous ceux qui œuvrent dans l'underground se sont retrouvés confrontés à la question, finalement. A quelle hauteur se situe la limite de ce que je ne suis pas près à accepter pour satisfaire mon ego?

Ne nous mentons pas: pendant des années, j'ai affirmé que jouer devant vingt pelés ou deux mille, c'était la même chose. Jusqu'au jour où j'ai effectivement joué devant deux milles personnes pour me rendre compte que non, bien évidemment, ça n'a absolument rien à voir.

En 2008, Jamie Commons publiait sur le net la liste des exigences d'une grande maison de disques pour le signer. On y trouvait, entre autre:

- Couper ses cheveux.
- Virer le chapeau.
- Prendre au moins une fille parmi ses musiciens.
- Citer au moins deux artistes du label parmi ses influences.
- Droit de regard sur toutes les paroles de ses textes.
- Produire un album de reprises dans les cinq ans.

Commons eut le courage de refuser. Il finira par trouver le succès en plaçant un titre très remarqué dans la soundtrack de "Walking Dead". Dans ses clips, il a toujours les cheveux longs, le chapeau et ses musiciens sont toujours ses potes d'enfance.

Quelques années auparavant, No One Is Innocent, groupe fusion/trash phare des années 90, accepte pour son retour de signer chez Universal et pond une galette nettement moins agressive. Devant le tollé des fans, le groupe assumera, je cite, "en avoir eu marre de bouffer des pâtes et du riz" et remontera le son des amplis en live pendant que son label n'est pas là.

Revenons à Pascal.
Tandis que je l'écoute parler, je ne peux m'empêcher d'avoir pitié de lui. Comprenons-nous bien: le concert dont je sors n'était pas franchement dans un Zénith, mon hôtel est un Formule 1 et je ne peux pas dire que des hordes de fans m'attendaient à la sortie pour s'approprier mon corps. Je roule en twingo et mes fins de mois sont souvent difficiles, surtout les quinze derniers jours. Mais en cet instant, les oreilles encore bourdonnant de ma musique, une chose est certaine: ce que j'ai donné sur scène était d'une sincérité totale et le bien-être que je ressens après m'être "purgé" de toutes ces émotions dans un micro n'a pas de prix et est indispensable à ma survie psychique (ainsi qu'à la santé physique de tous les cons que m'impose la fréquentation de mes contemporains). Pascal, lui, si ces influences sublimes sont bien les siennes, lorsqu'il rentre dans la limousine qui l'amène dans son quatre étoiles, ne connait sans doute pas cette sensation.

Vingt ans de frustrations, d'hypocrisie, de renoncements... La Ferrari en valait-elle le prix? Allez va, on te pardonne, et que celui qui n'a jamais été vaniteux te jette la première bière.
Mes amitiés à ton psy.
écrans larges