(Photos et vidéos par Richter, chronique par Renaud) Deux groupes en prélude à cette nouvelle édition de la soirée féérique, l'un plutôt propre sur lui, l'autre carrément trash, le premier s'étant intégré tant bien que mal dans le décor du second. Deux soirées également, le décor de la première laissant subodorer l'ambiance de la seconde. Des mélanges de style donc, jusqu'au sein des groupes présents au grand dam sans doute des puristes (si tant est qu'il y en ait eu), une grande variété de costumes, beaucoup de créativité dans le fait-main, des animations, des stands de labels, de zines, une ambiance à des lieues des clichés de soirées goth et… des "nice gothic people". Le ton est donné dès l'entrée: des petites fées aux murs et planté au beau milieu du hall, Franck Renou, chanteur de Sin… Autant dire qu'en dépit de son sourire, qu'on dirait espiègle si on ne craignait pas de mettre à mal leur fantasque réputation de dépressifs (ils font de la musique triste, alors…), Franck n'a rien d'un lutin échappé tout droit de Faerie… C'est pourtant là tout le caractère contrasté, presque oxymorique de la soirée qui se trouve résumé. Une fois les dernières nouvelles échangées avec ce sympathique individu, il est temps de se plonger dans l'univers musical obscur et tourmenté dark/electro/rock de In Memoria… LE CONCERT DE IN MEMORIA Détail saugrenu, les Punish Yourself ayant déjà installé leur décor le quatuor de In Memoria a dû jouer derrière des grilles de chantiers, au milieu de posters fluo inspirés par les comics de Jack Kirby et les séries Z… Autant dire qu'il était par conséquent difficile de prendre les In Memoria au premier degré. Certes, avec eux on plonge dans des gouffres d'angoisse et de noirceur, entraîné toujours plus bas par la déliquescence même des affects et de ce qui peut bien rester d'intégrité à l'individu. "Everything (must end)", "Virus", "Your Silence", "The Eyes Of Time", les titres se succèdent, sombres et abyssaux, avec sobriété et dessinent les contours du premier album des parisiens "Unexpected Emotional Sequence" signé chez Manic depression, le label qui héberge également le fer de lance de la nouvelle scène gothique française, Violet Stigmata. Leur set se termine en puissance et finit de chauffer la place aux Punish avec un Barcode destructeur qui met le public en transe, surtout une fan particulièrement expressive… C'est étrange comme chaque groupe comportant au moins un joli garçon, de Mesh à Terminal Choice, en passant par And One ou Icon of Coil, traîne derrière lui une ou plusieurs groupies hystériques qui se chargent de faire de la place devant la scène. LE CONCERT DE PUNISH YOURSELF S'en suit une bonne demi-heure de battement, en attendant l'entrée des fauves… Du bar surpeuplé aux stands de Khimaira ou de Prikosnovénie, difficile de s'ennuyer, et c'est le même Franck-de-Sin qui vient m'arracher à la lecture d'un article sur " les contrées du rêve chez Lovecraft " pour me présenter à diverses persona grata présentes… C'est alors mon amitié pour Franck, la soirée et toute ma vie qui prennent un sens et je me dis que Dieu existe peut-être en fin de compte… Egaillé par cette révélation, c'est sur un ton badin et enjoué que j'engage la conversation sur Punish Yourself… Franck, mon ami de toujours, me confie, entre deux œillades complices, qu'il n'en sait pas plus que moi… Récapitulons ce qui a été dit sur eux et par eux: ils font dans le "punkindustechnodancecore", ils ont déjà sorti deux albums ("Feuer Tanz System" - 98 / "Disco Flesh: Warp 99" - 2001) et en préparent un troisième, ils sont sauvages, gay et sexy, se barbouillent de peinture fluo, sonnent comme Atari Teenage Riot, Ministry ou Lords of Acid et se foutent royalement de n'avoir pas terminé leur balance alors que le public qu'on devine électrique est déjà massé devant la scène… Les watts et les fauves sont lâchés et déjà une conclusion s'impose: rien de ce que vous pouvez lire sur eux ne vous prépare au choc. C'est une succession de visions psychotropes qui vous assaillent tandis que les morceaux se succèdent dans une violente homogénéité. Pas de playlist mais des machines qui vomissent, éructent, expulsent et injectent leurs brûlots dancefloor rageurs, rugueux, acides et convulsifs en plein dans la fibre musculaire sans passer par le cerveau, à tel point qu'on ne danse pas sur Punish, on pogote et on se croirait au concert de Marduk à la Loco en Mars dernier (forum à venir prochainement - huhu). Pas un temps mort et on assiste, hagard et défait (d'accord, "j'assiste") au spectacle de sauvages - artistes et public - se jetant sur les grilles de chantiers au point de les faire dangereusement vaciller, tandis que la guitariste découvre sa poitrine (qu'elle a opulente) et enchaîne ses riffs topless… Troublant… Les danseuses du fond, pour charmantes qu'elles furent, en paraissent presque pâlottes, nonobstant leur plastique qu'on devine indéniablement exquise sous la couche de peinture flashante… Un set et un groupe qui remettent beaucoup de choses à leur place ("Marilyn qui ?"). LA SOIREE REALM OF FAERIES Pour des raisons d'organisation, nous devons ressortir du Complexe 13-53 afin de repasser par le filtre de la caisse pour accéder à la soirée Realm of Faeries. Hélas, la nuit est tombé le temps s'est rafraîchi, et c'est grelottant qu'on salue les nouveaux arrivants autrement plus apprêtés que les spectateurs des concerts. Le regard pêche ça et là capelines moirées et couronnes sylvestres tressées. La soirée est belle et bien placée sous le patronage de Lady Cottington, Obéron et Conan Doyle réunis, lequel n'aurait pu trouver dans le spectacle de tous ces militants de la cause féerique plus juste argument en faveur des demoiselles de Cottingley… Pour nous aider à patienter, Omloud de La Caravane de Samarkand, accompagné de jeunes musiciens que nous devions retrouver sur scène, nous gratifie de quelques unes de ses prouesses de jongleur mauresque. Est-ce parce qu'il est question d'un imaginaire plongeant ses racines dans le fertile terreau de l'enfance ? Toujours est-il que l'ambiance est à des lieues de tout cliché "prince des ténèbres academy". Les costumes sont chatoyants, les visages souriants et les attitudes étonnamment sobres: point de beuverie, ni de roulage de pelles en série… Etrange, mais le plus surprenant restait à venir. Les stands sont toujours présents: des plus crédibles tels que le label Prikosnovénie, un étal de littératures pour rôlistes, la revue belge Khimaira ou un artiste peintre réalisant une toile sous nos yeux, aux plus "romantiques" tels qu'un voyant runique qui vous tirait, bien évidemment, les runes… Ainsi qu'un stand sur lequel une jeune fille de toute beauté oeuvrait aux tarots. Il sera laissé à l'appréciation de chacun de se recueillir ou de hurler au charlatanisme, disons simplement que l'ambiance et le lieu s'y prêtaient… N'étions-nous pas aux portes de Faerie ? On aurait d'ailleurs vu Puck se faufiler entre les tables et les danseurs. Sur scène, un trio étonnant formé, nous confie Stathis le vocaliste, à l'occasion de la soirée: "Kristador"… Superbement maquillé, il voyage entre poèmes de composition personnelle et reprises de Dead Can Dance, accompagné par la guitare à la fois discrète et solennelle de Dorian et les nappes éthérées ou les arpèges cristallines du clavier de Christophe. Un artiste protéiforme étonnant et une performance vocale empreinte de puissance et de douceur, entre plongées abyssales et envolées très haut, vers des cieux que peu de voix savent atteindre, à la manière d'un Other Day ou d'une Lisa Gerrard. Un peu plus tard, le même quatuor qui avait, en guise d'interlude, porté Oumloud par ses sonorités orientales monte sur scène et offre au public plus surpris que circonspect un répertoire instrumental nourri d'influences gitanes, orientales et yiddish. Guitare, contrebasse, saxophone, flûte et accordéon, les instruments apparaissent, s'échangent, dialoguent et racontent des histoires sans début ni fin, sinon comme écho au "il était une fois" des origines, rythmées par les martèlements claquants et profonds de la darbouka ou du doum-doum… Pour un flyer qui annonçait une programmation heavenly, nordique, dark folk, les identi-tristes en sont pour leurs frais, les autres… Eh bien les autres, monsieur, ils dansent ! Aussi incongru que cela puisse paraître et si dispersé soit-il, le public danse, en robe médiévale, en sweat-shirt à capuche bardé de symboles occultes, grimé en dryade, en elfe - on a même vu un authentique paladin en armure l'épée au côté (mais lui, il ne dansait pas)… Au-delà des clivages musicaux, culturels, ethniques et sans tomber de nauséabondes et irrespectueuses considérations assimilationnistes, au-delà des querelles communautaristes (metal, goth, pas goth, moldus), pendant une petite heure, le public danse, sans autre justification que le plaisir éprouvé, un plaisir tranquille, quiétiste, dans une atmosphère éminemment humaine, riche de son évidence, riche de sa simplicité… Les musiciens dans tout ça ? Ils étaient bons… Un @nge passe et enfin c'est le moment… Il se sera fait désirer mais enfin le voilà , les voilà : Oumloud, ses bâtons, sa dextérité et sa partenaire, sans les flammes, sécurité oblige. Sous une douche discrète de lumière noire, il enchaîne les complexes manipulations à deux bâtons, tandis que sa jeune et jolie compagne décrit de stupéfiantes arabesques à l'aide d'un astucieux assemblage de tubes phosphorescents ou de feux de Bengale, entraînés dans une spectaculaire chorégraphie tribale, toujours plus prêts l'un de l'autre, mêlant corps et instruments sur fond d'un mélange dévastateur de cornemuse et de pied de plomb technoïde. Les artistes sont brillants, la musique efficace et le public ? Il danse toujours… Autre moment presque surréaliste, vianesque, carrolien: un duo flûte irlandaise - harpe celtique dans le petit hall du complexe. Des standards du folk celtique dont on sait qu'on les a déjà entendu, éveillant (oui "comme la madeleine de Proust") un souvenir de festival médiéval, de costumes colorés et de parfums entêtants de feu de bois et d'épices, à des morceaux moins connus mais tout autant imprégnés d'une culture et de ses antiques représentations, des harmonies pénétrantes de la flûte aux chapelets de notes cristallines de la harpe, ce sont des scènes qui se dessinent et que partagent, usés par l'heure avancée, bercés par les mélodies et les images, les quelque quinze ou vingt personnes massées autour de Franck et Gildas, les musiciens qui, sans doute, comme moi, comme d'autres, se prennent à rêver d'autre chose que ce fond de cour urbaine et de ce carrelage jonché de gobelets éventrés… Le charme s'estompe, les paupières se font pesantes, plus de trois heures sont déjà passées depuis la minuit. Il faudrait encore parler des fées sur les murs, des fées au bar, de la carte du bar traduite pour l'occasion en elfique de cuisine et de la végétation omniprésente ou peu s'en fallu, mais puisqu'à un moment il faudrait regagner le monde mortel, autant y aller avant de ne plus pouvoir mettre un pied devant l'autre. Ceci dit, deux choses encore: tout d'abord, si le nombre de soirées et d'associations demeure peu ou prou constant sur Paris même, les déceptions vont semble-t-il croissantes, et Realm of Faeries, pour cette seconde édition, affiche d'ores et déjà une singulière personnalité, riche d'une ineffable étrangeté, à l'instar de La Taverne Médiévale organisée par Sanctuary aux Caves chaque troisième jeudi du mois. Sepul-râle-ment vôtre, Renaud / evil.muffin.666 LES VIDEOS (Clic droit et "Enregistrer la cible sous" conseillé / Right clic and "Save target as" recommended) Ces extraits vidéos sont à titre d'illustration et leur qualité sonore n'est pas représentative du groupe en concert / These small video excerpts are for promotional use only and the low-fi sound is not representative of the band quality in live ! LE CONCERT DE IN MEMORIA LE CONCERT DE PUNISH YOURSELF LA SOIREE REALM OF FAERIES Ci-dessous un titre intégrale du concert d'In Memoria: "THE EYES OF TIME" (20 Mo). Tschüß ! RICHTER F Des photos supplémentaires des concerts de Punish Yourself et In Memoria sont en ligne sur le site de la Coquille Fêlée |