(Photos et vidéos par Richter, chronique par Renaud) Il est des injustices que l’on voudrait crier à la face des majors, des organisateurs et des tauliers des salles parisiennes réunis. La carrière de Killers fait partie de celles-là : vingt années d’un service indéfectible à la cause du métal en général, français en particulier et francophone pour en rajouter, comme si ça ne suffisait pas... Mais bien évidemment, point ne fut question de Killers, Sortilège, Trust ou Blasphème lors de l’imposition de stricts quotas de chanson française sur les ondes radiophoniques. Radotages amers d’une communauté marginale ? A voir... Dans le même ordre d’idée, les apparitions de Killers sur une scène parisienne se compte sur les doigts d’une seule main. Hasard ? Boycott ? Choix des artistes ? Peu importe aujourd’hui - heureusement, tant chacun de leur concert est l’occasion de constater à quel point la famille Killers est soudée : public passionné, allègre, festif... Killers serait-il le Manowar de chez nous ? Ma foi... Cette date du 24 janvier était donc impatiemment attendue depuis les Trophées du Hard-Rock 2003, même si Bruno, Titi et les autres auraient mérité cette fois encore la « grande » Loco. Pas de regret, la « petite » (par la taille, mais immense par le cachet) permit à chacun des groupes présents de communier le plus directement et le plus intensément possible avec les mélomanes mal peignés présents. En ouverture, trois formations très différentes et déjà méritantes : My Severance (heavy / goth / Rha-lovely), Sografalth (heavy metaaal / fun trash / hardcore) et Scavengours (heavy maniaque / trash volaille / à poils), tous trois dotés d’un fort potentiel de sympathie, en plus de leurs talents respectifs de guitaristes (des deux sexes), de batteurs, bassistes, clavier, de chanteur ou de hurleur cravaté (private joke)... Killers (heavy / speed / Etorki) quant à eux, on ne les présente plus... Quoi que si, allez, on les re-présente tout de même... Un premier album en 1984 – « Fils de la haine » et un premier line up qui ne compte alors Bruno Dolhéguy qu’en tant que guitariste. Le line up évolue, au point que Bruno - passé au chant - soit à ce jour l’unique membre fondateur. Les albums s’additionnent, mêlant chant français et basque sur des textes engagés (même si le terme a de quoi faire sourire aujourd’hui) et des guitares agressives et travaillées. Derniers événements en date : Un album magistral – Habemus Metal, la récompense des Trophées du Hard Rock en 2003 et la sortie d’un album live : « Le Côté Live ». Par ailleurs, Killers siège encore et toujours en patriarche au milieu d’une pléthore de groupes français talentueux voués au heavy, certains de retour au grand jour après une longue absence comme Nightmare, d’autres plus jeunes mais indéniablement pleins de talent : de Malédiction à Manigance, en passant par Falkirk, Seyminhol, Heavenly et encore une légion d’autres... Autant dire que la soirée, dédiée à la scène métal hexagonale était pleine de promesses et elle débuta fort agréablement avec... LE CONCERT DE MY SEVERANCE Un banal problème de stationnement ne me permit d’arriver qu’en plein milieu du set, pendant « Once Solemn », la reprise de Paradise Lost. Savoureuse introduction pour ce groupe à découvrir si on ne le connaît pas, à suivre dans le cas contraire, nourri aux mamelles de la louve gothique et de l’ourse heavy / black / doom (l’ourse – les ours étaient très présents ce soir - a un nom composé, oui). « Chant clair et mélancolique, guitares acérées, claviers mélodieux, section rythmique plombée » : c’est ainsi qu’ils définissent leur recette. Une recette qui, d’ailleurs, fonctionne et n’est pas sans évoquer (à des degrés divers) Anathema (pour la référence établie en matière de doom assagi en rock tristounet) ou Lycosia (pour la future référence glam / goth, souhaitons-leur). Après une première démo auto-produite – « Unreal », sortie en 2002 et bien accueillie par la presse, le groupe assure plusieurs dates en première partie et commence à se faire remarquer sur la scène parisienne. Prévu pour automne 2004 : leur tout premier album. Premier constat : le groupe remplit comme il faut le petit espace scénique à peine surélevé. Le son est plutôt intelligible et les lumières ne font pas passer la « petite » Loco pour une salle au rabais. Atmosphère intimiste de concert privé donc, encore renforcée par l’apparente douceur de David (au chant – qui ne ressemble pas à Brian Moloko) et la fraîcheur des demoiselles Elodie (guitare lead) et Jihanne (basse), qui ne sont sans doute pas pour rien dans le caractère si plaisamment accessible de leur metal gothique, bien sombre certes, mais un chouille plus frais que celui de... de Poisonblack, tiens ! Portés par la voix plaintive de David, les titres s’enchaînent sans heurt, Thelo distille ses nappes, Philippe maltraite ses fûts, Elodie pose ses soli sans se disperser, c’en est un bonheur... Et sans s’en rendre compte, c’est la fin ! La suite ! La suite ! La setlist : Unreal, In Vain, Once Solemn (cover Paradise Lost), Man Born And Fall, I Pray, Fading. LE CONCERT DE SOGRAFALTH Une banderole, quelques bouées à l’effigie de Winnie et de Tigrou, un guitariste harnaché comme un fan de Hammerfall et un chanteur en chemise blanche / cravate noire / mitaines cuir : Sografalth intrigue et sent la dérision. Et pourtant... Pourtant, en dépit d’une allure parfois guignolesque et d’une intro très « Rock n’ Roll », Sografalth (le seul groupe qui élève des dragons en plastique) délivre et inflige un métal pas forcément accessible pour un amateur de heavy, qui trahit les débuts black / brutal death du groupe. Une identité encore présente dans les vocaux hurlés / grognés évoquant également le hardcore US à la Sick Of It All (vous me dites si je me trompe) et la transition est rude avec My Severance. Ceci dit, une bonne dose d’humour et de dérision désamorcent le malaise naissant et on se plait à décoder les titres-clins d’œil comme « Metal Bear Solid », qui apprend ou rappelle à l’auditoire que Sografalth aime les ours et dessouder du méchant sur Playstation. Titre suivant : quel est le plus grand film de Peter Jackson ? Le Seigneur des... ? Raté ! C’est « Bad Taste » et sa pléthore de scènes d’anthologie à base de vomi goûtu, d’anti-héros suréquipés et de cervelle qui s’obstine à gicler des crânes ouverts à coups de Magnum ! « Les petits connards ont débarqué » et Sografalth envoie déjà pas mal d’air avec un titre carrément épique ! Des fans affamés de Megadeth dans la salle ? Ca tombe bien et on pense à eux pendant « Hungry Again » maintenant ! Quant à « Hellowar », elle sera l’occasion de faire monter une demoiselle sur scène pour lui faire assurer les chœurs (façon de parler) sans dévoiler ses attributs mais l’os à la main, ce que Manowar n’aurait pas hésité à faire. Jéjé, l’os entre les dents, et ses complices - dont l’inénarrable Hervy Metal, propulsent leur répertoire avec une indéniable énergie alternant titres et drolatiques mises en scène potaches et, au final, après une chanson au titre exagérément long (tenu secret) et une hilarante reprise revisitée du « Brio », nous font dire, sans arrière-pensée, qu’on a passé un excellent moment... Pour les gourmands, le « Live Officiel Pirate At The Fête de la musique 2003 » vaut son pesant de postiches et de glaives en plastique. La setlist : Intro (rock n' roll), Metal Bear Solid, Bad Taste, Krator le Baveux, Wah, RPH, Le Brio, Hungry Again, Attack Of The Dragon, Hellowar. LE CONCERT DE SCAVENGOURS On pourrait croire qu’avec des chevelus bardés de cartouchières on regagne les contrées premier degré d’un heavy metal sans concession avec les fantaisies urbaines de Sografalth, plus Motörhead que Jéjé et sa bande quoi... Que nenni ! Certes, Scavengours officie dans un style plus traditionnel : riff / couplet / refrain / solo / à poils et leur « Dead By Dawn » sonne plus sérieux que « Krator le baveux »... Quand on le lit... Qu’on devine que Sam Raimi et sa trilogie Evil Dead (encore des cinéphiles, oui – des gens sensibles au 7ème art finalement) sont derrière ce titre qui impose le respect et de suite, on se dit que la dérision n’est pas loin derrière... Ce qu’invite également à penser le poulet en caoutchouc et le gigantesque couteau de boucher en plastique... Après, on ne se pose même plus la question devant les grimaces du chanteur qui inflige les derniers outrages à ce malheureux poulet mordu, tordu, piétiné, cisaillé... Et la musique dans tout ça ? Du gros heavy, parfois trash et qui tache (c’était facile, oui et alors ?), alternant entre riffs de mauvaise humeur et gimmick / soli aussi techniques qu’enjoués (cf.1789). Scavengours n’est pas non plus né de la dernière pluie de Kro, puisqu’ils ont partagé l’affiche des derniers Guardians OF Metal avec Killers et assuré quelques dates parisiennes festives et remarquées... L’armée Scavengours aura certainement su se faire des adeptes, mais il faut tout de même le reconnaître, l’heure tourne et la plupart des esprits encore présents se tourne vers le Sud-Ouest où, alors que le soleil se couche, la bannière de Killers s’élève et semble sur le point de rallier, une main sur le cœur et l’autre, le poing en l’air, les maquisards, leur truculence et leur fort accent (basque, pas béarnais hein, faut pas confondre – private joke encore) taillé pour chanter la liberté et le côté sombre... En attendant, Scavengours est toujours sur scène et ma foi, sait donner envie de se procurer leur très prochain véritable premier album... J’oubliais : A poils ! La setlist : Chickenstein, Dead By Dawn, Bloody Skewer, Metal Bunker, 1789, A Poils les Ours, Maniac Attack, Scavengours. LE CONCERT DE KILLERS Enfin ! Non que les groupes précédents aient bâclé leur office, mais bon, c’est tout de même pour Killers qu’on était là , non ? Pour les parisiens (même malgré eux, comme moi) sédentaires, la dernière date en mémoire était celle des Trophées du Hard-Rock : un mini concert avec un amer goût de trop peu (passons sur les autres... surprises de la soirée). Je le répète, ce 24 janvier était l’événement métal de la nouvelle année. C’est un nouvel album : « Habemus Metal » et un album live : « Le Côté live » qu’il fallait étrenner, en plus de sortir des caisses d’antiques perles et joyaux. C’est un public compact qui sans doute, frissonna comme un seul homme aux premières notes du « Côté sombre ». Une fois encore, un constat s’impose : la relative exiguïté de la salle intensifie bien plus qu’elle ne dessert la performance de Bruno, Titi et les autres, toute en interaction et en échange avec un public acquis, averti, voire carrément fan. Le titre suivant ne fait que confirmer ce sentiment de vibrante osmose : « Illusion », son entêtante mélodie et son imparable refrain fait déjà exploser l’atmosphère en une gerbe de chœurs... Premier titre en basque : « Arrantzale », enchaîné sur « Clandestinité » et Bruno scande, harangue, et persuade, tribun chevelu en un forum alternatif dévoué au métal-à -texte-qui-fait-réfléchir. Identité, révolte, autonomie : les points d’achoppement de la culture rock ne se limitent décidément pas à la bière en guise de soin capillaire... « Délire de mort » qui distille en live une obsédante mélancolie et déchaîne de nouveaux chœurs, se charge de ramener le public vers des ambiances chargées de ces émotions que maîtrisent tout autant les musiciens hors pairs de Killers, tandis que « Le Fils de la haine » renvoie une partie du public présent en 1984, à l’époque du premier album... Souvenirs pour certains, pas pour moi : j’avais sept ans à l’époque, je me sens tout petit, tout d’un coup... Peu importe : Killers a traversé deux décennies et est encore là ce soir pour délivrer la bonne parole et la « Mauvaise graine » avec « HM 2002 » (Hou ! Ha ! Hou ! Ha !), entre deux autres titres en langue Basque : « Madarikatua » (extraite de « Habemus Metal ») et « Azken Agurraren Negarra ». Surprise et événement : le retour sur scène d’un titre instrumental interminable, épique et jubilatoire : « Le Magicien d’Oz », également extrait du premier album de Killers et qui laisse affleurer les côtés guitaristes virtuoses, compositeurs et interprètes émérites à part entières des membres d’un groupe démembré, reconstitué et fidèle à son credo, pour ceux qui en doutaient encore. « Rosalind », « Killers » et « L’Assassin » nous emmèneront au bout d’un voyage clôt sur les ailes de « L’Aigle Noir » la ballade – hymne de Barbara. Enfin, « clôt » dans une certaine mesure : pareille réjouissance ne pouvait se terminer sans une nouvelle explosive interprétation, à titre de rappel, des deux titres qui avaient marqué les esprits des fans de Manowar et de Motörhead lors des Trophées : la reprise de « Black Wind, Fire And Steel » de Manowar, rebaptisée pour l’occasion « Habemus Metal » et « Overkill » de Motörhead, adaptée en « Overkillers ». La setlist : Le Côté sombre, Illusion, Arrantzale, Clandestinité, Délire de Mort, Le Fils de la Haine, Mauvaise Graine, Madarikatua, HM 2002, Azken Agurraren Negarra, Le Magicien d'Oz, Rosalind, Killers, L'Assassin, L'Aigle Noir, Habemus Metal, Overkillers. En somme, un bien joli plateau mettant à l’honneur la diversité d’une scène métal française loin d’être moribonde, mais bien au contraire énergique, technique et inspirée. Na. Ne manquerait plus qu’une once d’ouverture d’esprit du côté des médias plus férus de néo métal manchot que de musiciens accomplis et inspirés... Sepul-râle-ment vôtre, Renaud / evil.muffin.666 LES VIDEOS (Clic droit et "Enregistrer la cible sous" conseillé / Right clic and "Save target as" recommended) Ces extraits vidéos sont à titre d'illustration et leur qualité sonore n'est pas représentative du groupe en concert / These small video excerpts are for promotional use only and the low-fi sound is not representative of the band quality in live ! LE CONCERT DE MY SEVERANCE LE CONCERT DE SOGRAFALTH LE CONCERT DE SCAVENGOURS LE CONCERT DE KILLERS Tschüß ! RICHTER Q Pour les photos et extraits vidéos du concert de Killers le 6 avril 2003 aux Trophées du Hard-Rock cliquez ICI |